Lettre à un cœur neurodivergent : ton ECG* vivant
Il n’y a pas pire sensation que de se sentir incompris, perdu, stigmatisé, voire moqué, parce que le monde ne saisit pas qui vous êtes vraiment.
Et il n’y a pas de meilleure sensation que de se sentir submergé d’émotions en écoutant une musique, en lisant une phrase, en goûtant un plat… Ce qui est désagréable, ce n’est pas l’intensité, mais le regard des autres, incapables de la comprendre.
Passer des heures à faire ce que l’on aime, au point que plus rien n’existe autour… Certains y verront de l’entêtement, du fanatisme, voire de la folie. Ils ne sauront jamais que c’est simplement de l’hyperfocalisation.
Quel bonheur, aussi, d’entendre un seul mot et de voir se déployer en soi un feu d’artifice d’idées, jusqu’à s’endormir, vaincu mais heureux, face à cette richesse intérieure. Beaucoup y verront de la paresse, sans comprendre que c’est comme avoir appuyé sur le bouton d’un distributeur sans fin de pensées et de concepts.
J’ai entendu, de la part de ceux que je croyais être des amis : « On a tous un problème, ce n’est rien », « Tu vas voir une neuropsy, bien sûr qu’elle va te trouver un trouble ! ». J’ai aussi entendu, de la part de professionnels de santé : « Madame, vous êtes juste stressée, vous n’avez rien. ». Ça a été l'un des meilleurs moyens de me nier et de me faire culpabiliser. J'avais l'impression d'être dans la victimisation constante.
Jusqu’à ce que je tombe sur une psychologue qui s’avéra être une neuropsychologue. Je lui ai raconté avoir perdu une partie de mes courses – des choses encombrantes, bien visibles – et avoir dû refaire tous les trajets de ma journée pour les retrouver. Cette fois, c’était la goutte d’eau.
Elle m’a fait passer des tests. Le verdict : TDAH sévère avec hyperactivité.
Enfin, je comprenais.
Un psychiatre a confirmé le diagnostic. Puis est venu le temps du traitement. Mais celui qu’on me proposait contenait des composants qui réveillaient l’une de mes maladies auto-immunes.
Ce fut une contrainte… et une opportunité inouïe. Celle de devoir apprendre, par moi-même, à créer un écosystème de vie entièrement adapté à qui je suis.
J’ai commencé à m’observer, sans jugement, mais avec une lucidité nouvelle. J’ai pris conscience de l’ampleur des difficultés que je devais gérer au quotidien, en plus de mes deux compagnons immunitaires, la maladie de Crohn et la spondylarthrite ankylosante. Mon émotivité, mon impulsivité, mon besoin impérieux de retrait après un contact social, mon appel au silence dans un monde trop bruyant, ce besoin, plus fort que chez d’autres, de dopamine sous peine de voir la procrastination m’engloutir…
Aujourd’hui, je me sens en phase. Heureuse. En accord profond avec celle que je suis. Je ne changerais pour rien au monde, même si, parfois, je m’épuise moi-même.
Notre monde de neurodivergents, est un monde de surprises, d’opportunités, de défis, de hauts et de bas. Mais c’est un monde vivant!! Un ECG* plat signifie qu’il n’y a plus de vie.
Chers neurodivergents, il ne vous reste qu’une seule chose à faire. Changer de Cap!
Soyez heureux d’avoir un ECG* « vivant ». Vous vibrerez toute votre vie.
Je vous souhaite une belle vie, Véronique C.
* Electrocardiogramme